Entre les communications de TRACFIN, l’intérêt de la BCE sur le sujet et l’arrêté du 6 janvier 2021 publié le 16 janvier 2021, la pression ne se relâche pas en matière de Sécurité Financière [1]. Le dernier arrêté était attendu car il permet de sortir la LCB-FT de l’arrêté du 3 novembre 2014 et de lui donner l’importance qui lui revient dans le contexte actuel. De plus, le Code monétaire et financier (CMF) ayant évolué depuis 2014, il devenait nécessaire d’harmoniser les références réglementaires.
Que pouvons-nous retenir de cet arrêté par rapport à nos connaissances antérieures ?
Un des éléments au cœur du dispositif, la classification des risques, a été précisé dans ses modalités de réalisation. Il est notamment demandé de :
Ces précisions s’appuient notamment sur les constats de dysfonctionnements identifiés lors des missions de contrôle de l’ACPR.
En matière de gouvernance, le rôle de l’organe de direction est précisé ainsi que celui de l’organe de surveillance (art 25 et 26), ce dernier devant examiner régulièrement « la politique, les procédures et dispositifs LCB-FT ainsi que les mesures correctrices mises en œuvre ». Cela suppose de mettre systématiquement le sujet Sécurité Financière à l’ordre du jour et de tracer les décisions prises. Le conseil de surveillance doit pouvoir demander des informations adaptées à son « besoin d’en savoir », notamment dans le contexte actuel où les soupçons en matière LCB/FT ne faiblissent pas.
Enfin, les enjeux de supervision (qui ont fait l’objet d’une note très instructive de la part de l’ACPR[3]) sont encadrés (art 20 – 21 et 22) ; le dispositif attendu dans le cadre de l’arrêté reprend le Code Monétaire et Financier. L’établissement-mère établit une classification des risques adaptée aux enjeux du Groupe. Le responsable LCB/FT définit le cadre procédural et s’assure de sa déclinaison sur tout le périmètre.
La qualité de la supervision repose, en plus du cadre procédural et des responsabilités définies, sur un circuit adapté de l’information et de sa communication permettant au Groupe d’être informé de toute anomalie significative.
L’ensemble de l’arrêté vise à renforcer d’une part la pertinence de l’approche par les risques et le cadre procédural, et d’autre part la responsabilité des instances de gouvernance. C’est de leur responsabilité de s’assurer que le dispositif mis en place facilite la connaissance de tout dysfonctionnement significatif et permet un profilage adapté de la clientèle, et plus largement de l’activité.
La principale évolution est l’intégration des organismes assujettis régis par les dispositions du régime dit « solvabilité II ». Nous reprenons ci-après les grands axes de ce dispositif de contrôle :
Le rôle du contrôle permanent et du contrôle périodique sont réaffirmés quant à l’appréciation de la qualité du dispositif, ce qui suppose des moyens suffisants et des compétences adaptées.
La responsabilité du contrôle permanent du dispositif Sécurité Financière ne peut être confiée au responsable de sa mise en œuvre (sauf si la taille de l’établissement ne le permet pas).
La cartographie des risques, quant à elle, est complémentaire de la classification des risques. Elle permet de mettre en place des dispositifs de maîtrise adaptés (dont les contrôles opérationnels). L’arrêté ne mentionne pas la cartographie en tant que telle. Celle-ci est néanmoins essentielle à la pertinence du dispositif de contrôle interne.
Les procédures constituent un point important (Chapitre II de l’arrêté) car elles engagent ceux qui en ont la responsabilité. De plus, elles traduisent la mise en œuvre de l’obligation de moyens par l’établissement.
Outre le rôle essentiel du responsable LCB/FT au sein des établissements quant à la validation des procédures et au contrôle de leur respect, l’arrêté précise le contenu de certaines procédures, notamment les modalités de conservation des documents (art. 6), les processus d’encaissement de chèques (art. 7) et la tierce introduction (art.8).
Le sujet de l’externalisation (et les spécificités par rapport à la tierce introduction) avait été précisé dans le cadre de lignes directrices [5]. Les exigences relatives à l’externalisation sont précisées dans le cadre de cet arrêté.
Dans un contexte où de nouveaux acteurs, notamment de paiement, interviennent dans les circuits financiers et sont à la fois prestataire et/ou clients d’autres institutions[6], les obligations en matière d’externalisation nécessitaient d’être clarifiés. Les exigences définies dans l’arrêté (notamment la contractualisation) sont à mettre au regard d’une part des exigences de l’ABE[7] et d’autre part de l’arrêté du 3 novembre 2014 (relatif aux PSEE). Là encore, les procédures doivent être précises et prévoir notamment « une information de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui est tenue informée de toute évolution importante concernant les prestations externalisées ».
L’établissement assujetti recourant à la tierce introduction doit mettre en œuvre les actions suivantes (art. 8) afin d’encadrer sa relation avec les prestataires concernés (tiers introducteurs):
L’arrêté confirme le dispositif à mettre en place, en lien avec le Code Monétaire et Financier. Sont ainsi précisées :
Enfin, compte-tenu de ces évolutions, certains règlements sont abrogés, dont le règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière n°2002-01 du 18 avril 2002 relatif aux obligations de vigilance en matière de chèques aux fins de LCB/FT, ainsi que le règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière n°2003-01 du 16 mai 2003 modifiant le règlement n° 2002-01 du 18 avril 2002.
L’arrêté du 6 janvier 2021, comme précédemment l’arrêté du 3 novembre 2014, implique sensiblement les fonctions de contrôle permanent (2nd niveau) et de contrôle périodique (3ème niveau) pour la LCB/FT. La publication de ce nouvel arrêté est l’occasion de rappeler les travaux essentiels en la matière à réaliser par les contrôleurs permanents et les auditeurs internes :
L’arrêté du 6 janvier 2021 entre en vigueur le 1er mars 2021. En outre, les établissements assujettis disposent d’un délai d’un an pour mettre en conformité leurs contrats d’externalisation conclus avant le 1er mars 2021 avec les nouvelles dispositions.
Cet arrêté permet d’ajuster, en partie, le cadre de contrôle interne actuel en matière de Sécurité Financière. Sans remettre en question le cadre actuel, cet arrêté vient rappeler les enjeux d’approche par les risques, de responsabilité et de traçabilité. Comply or explain, là est la question … là devrait aussi se trouver la réponse.
1] Sécurité Financière : sous ce vocable nous intégrons la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de gel des avoirs et d’interdiction de mise à disposition ou d’utilisation des fonds ou ressources économiques.
[2] Dont « les informations diffusées par le ministre chargé de l’économie, le service mentionné à l’article L. 561-23 du code monétaire et financier (TRACFIN), le Groupe d’action financière (GAFI) ainsi que les publications de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Union européenne. » (art 2)
[3] « Le pilotage consolidé du dispositif de LCB FT des groupes bancaires et assurantiels », ACPR – 02102019-https://acpr.banque-france.fr/
[4] Au sens des articles R. 561-38-4 et R. 562-1 du code monétaire et financier
[5] Lignes directrices relatives à la tierce introduction de mars 2011 émises par l’ACPR. Autre document précisant également la tierce introduction : Position – recommandation AMF – Lignes directrices relatives à la tierce introduction en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme – DOC-2013-04.
[6] Exemple : Prestataire de service de paiement (PSP), prestataires de services d’information sur les comptes (PSIC), Émetteurs de monnaie électronique
[7] Orientations relatives à l’externalisation, 25 février 2019, EBA/GL/2019/02